Un goût fort répandu (sinon la norme actuelle) en art contemporain tend à confondre les arts plastiques ayant une fonction esthétique (...) et les arts appliqués ayant une fonction d'usage. Nombres d'expositions, de salons, de revues de part le monde attestent du fait, se complaisent dans une situation de non-sens, mélangent produit et oeuvre au sein du même travail en une sorte de zombie culturel : c'est affaire de mode et d'inculturation majeure. Une fois encore, une brosse à dent, un yacht de P. Starck vaudra toujours moins en valeur absolue qu'une figure peinte par Bacon.
Kehinde Wiley est le prototype de l'artiste qui pour plaire au plus grand nombre et, feindre la bonne peinture use des deux genres (artisan dans ces choix, artiste dans sa méthode). Il peind des portraits très réalistes (afroaméricain) et de facture léchée (propre à la publicité et au Pop Art le plus mou, le plus dénué de perspective) auxquels il ajoute en fond d'espace, des motifs de tissus africain (la référence est vive chromatiquement et fait honneur aux artisans africains, mais où est le sens de cet élément purement décoratif ?). L'oeuvre ainsi créée est donc plaisante, lumineuse, chaque fois l'image ne rate pas sa cible : plaire au spectateur.
Mais tout cela est plat et confine à de l'illustration. Un ancien visuel de communication me revient et m'oblige à une correspondance : celui d'une illustration pour la marque de riz Oncle Benz. K.W. lui aussi ne colle jamais, car sa peinture ne porte pas en elle cette dose incompréssible de subversion qui fait oeuvre. Son travail ne sera pas sauvé par quelques références illustres, notamment celle à Manet et à son "Toréro mort "dont l'angle de vue : un raccourci accéléré nous mène au néant de la condition humaine. Là, le néant n'est pas la mort c'est l'absence de fond, de contenu sinon la trame du tissus.
Faire de la peinture Monsieur Wiley est couillu et exige plus que quelques "référencettes"...