Bonjour à vous tous, chers fidèles, de plus en plus nombreux,
Sugawara vous promettait quelques notes concernant les "fameux curators", cette nouvelle élite incontournable de l'art, pouvant même, sans les mains, remplacer les artistes !
Mais de qui se moque t-on ? Où vit-on ? A quand les prochaines charrettes ?
Les curators nouvelle formule, à ne pas confondre avec les commissaires-historiens-d'art, sont lorsque l'on plonge dans leur biographie de purs produits marketing de l'ère consumériste. Master en poche, ils n'ont que peu de bagage, mais de grandes espérances. Ils sont à l'art ce que les traders sont à la finance, une technique sans conscience, soucieux avant tout de leur personne, aimant beaucoup les artistes comme faire valoir, ils auront disparu des mémoires lorsque le nom des artistes y sera bien ancré. Ce sont des techniciens, comme notre société technologique sait en produire avec une dose de culture, mais pas trop ; une sensibilité esthétique naissante à partir de l'art conceptuel tout en incluant un peu de Mr Duchamp, ce démiurge aux milliards d'épigones, pour faire avaler tous ces ersatz de sculpture, d'installation ou d'objet détourné de leur fonction d'usage ; une somme de connaissances éparses en sciences humaines ( pour les meilleurs, des philosophes postmodernes) pour se parer de mille citations voire échafauder des théories et enfin une gestion économique efficace de l'ensemble pour paraître intelligent, novateur et indispensable. Dans les conseils d'administration des musées et autres lieux culturels on en rougit ! "Mieux vaut un technicien rompu à l'art de l'organisation des ressources culturelles que des artistes" dirait le grand Satan.
Voici en exergue une exquise bidonnerie que l'on peut trouver dans un site de fondation d'entreprise se vouant au Monde-de-l'art : "M. ***, spécialisé dans les rapports entre art et écologie se propose d'ausculter dans une mise en perspective historienne, les paradoxes de l'engouement pour le vert dans l'art contemporain". Quand M*** aura fini le vert, par chance, il lui restera tout le reste de la gamme chromatique.
Ne boudons pas notre plaisir, en voilà encore, je vous donne des nouveaux sujets d’exposition : spécialisé dans les rapports entre art et révolutions contemporaines, je propose d’ausculter dans une mise en perspective historienne, les paradoxes de l’engouement pour le rouge… Dans un contexte [d’esthétique relationnelle], je propose au curator piqué au vif, un combat quotidien sur un ring en plein centre d’art. Les rounds seront comptabilisés par des noms d’artistes célèbres et non par des chiffres, ceci par ordre chronologique de l’histoire, j’espère ne pas m’effondrer à Giotto, mais au moins à Picasso et à son Minotaure, pour un bon bourre pif !
Regardons aussi des pages de garde des biennales célèbres, que trouve t-on ? Le ou les Curators du show présentés comme les grands MC. Les artistes pour leur part sont dans leur sillage, dans un déroulé informatique de Flash.
Je les vois encore, ces curators, sur des sites ou des pages dédiées à l'art, la trentaine ou la quarantaine fringante et décomplexée, avec des légendes et une bio dignes d'un cadre d'entreprise multinationale. Je crois que tout cela manque de corps. Le plus grave, outre cette vanité, est que ce sont des éléments censeurs du champ artistique, car leur peu de culture humaniste artistique (j’entends par là une vraie, totale connaissance de l’art et non celle souvent exclusive de la deuxième moitié du vingtième siècle) égale leur peu d'ouverture.
Ce terrain prépare à une nouvelle forme de diktat planétaire, un art global, consensuel, correct, aux formes tirant sur le design car il faut faire chic et parfois choc à défaut de faire profond et pertinent, un art sans art constitué de process et de postures semblant déflorer de nouvelles frontières. La voix est au faux concepto-socio-anthropo-économiquo-philo-esthéTOC… du simili artiste ou de l’artiste refoulé prenant sa revanche, il y en a comme ça dans l’histoire.
Pendant des décennies les musées ont bien fonctionnés, leurs expositions temporaires aussi. Qu'avait-on besoin d'une multiplication exponentielle de curators en tous genres pour rendre visible l'art contemporain et vouloir rendre crédible à tous prix la moindre nouvelle régurgitation de feu Fluxus ? Est-ce que les artistes d'avant et d'après guerre avaient besoin de curators ? Tout le monde connait la réponse.
Bien entendu, il faut des personnes synthétisant, ordonnant, analysant etc. pour exalter les sens cachés dans l'inframince des créations ; mais cette émergence là confine à une énième falsification, une tromperie d'un monde pusillanime, une inutile nécessité de créer des intermédiaires pour éviter la réalité carnée de la création dans une période de l'Histoire où l'image de l'objet semble plus importante que l'objet lui-même. Une génération spontanée de faiseurs de sens, cela ne peut exister, excepté dans la sphère factice du spectacle. Ce sont les artistes qui créent, avec leur force et leur faiblesse, avec le temps, le temps du corps et de l'esprit. On ne produit pas un artiste, on le devient à force d'intransigeance avec soi-même, de puissance de l'esprit avec la fragile capacité de dompter la matière et de digérer la culture universelle pour sortir du néant de la cohérence, une immanente cosmogonie. Les curators ? C’est quoi ça ?
Gen Sugawara
Joseph Beuys, performance combat de boxe à Kassel le 8 octobre 1972 contre Abraham David Christian, Photo de Michael Ruetz.
Prochain texte de Sugawara sur les artistes (plasticiens) français.