Chaque fois qu'un artiste prend le pinceau, j'imagine qu'il se demande quoi peindre pour être pertinent, efficace et donner au monde une œuvre forte qui n'ajoute pas à la confusion du monde une image de plus. Car, vraiment, il est inutile de donner au regard des millions de spectateurs, de la décoration picturale qui n'a aucun sens, ni volonté d'être subversive, sinon de faire travailler l'esprit. C'est vrai, regardeur attentif de la production artistique mondiale, je ne comprends pas pourquoi des artistes irréfléchis nous abreuvent, d'images étalant la vacuité de leur projet, et la méconnaissance de l'histoire de l'art ; à se demander si ces techniciens de la couleur pensent, et ont de la déontologie.
Est-ce que l'art, la création doit se borner à "produire" une œuvre esthétique ? Qui s'adapte au design, aux couleurs d'un salon, d'une chambre à coucher ? Bien évidemment que non. Je connais maints véritables collectionneurs qui n'ont pas hésité à vider les murs d'une pièce pour accrocher une œuvre, ou bien, qui ont acheter un lieu tel un écrin pour accueillir des œuvres qu'ils avaient patiemment achetées au fil des ans. Les œuvres étaient peut-être trop fortes pour les voir au réveil le matin, ou pendant un diner entre amis. Quoique un collectionneur parisien, je me rappelle, avait invité des connaissances à un festin pour montrer son dernier achat. L'œuvre était simplement accrochée au mur, et lui, étalait sa joie d'avoir pu l'acquérir. L'œuvre était puissante, et ne pouvait satisfaire une unique envie décorative, mais devait à n'en pas douter le réveiller, le questionner, ne pas le laisser tranquille, le saisir d'effroi parfois quand sa vie professionnelle réussie aurait pu le contenter.
Pour tout ça, je rejette la méta-peinture, le méta discours artistique qui s'enorgueillit de lui-même et ne s'intéresse qu'à un microcosme. Quand j'effeuille nombres d'œuvres des anciens, je les vois investis, à leur mesure d'artiste, dans la marche et les soubresauts du monde. Je les aime et les considère pour ces raisons. Parce qu'ils impliquent leur être et leur art dans la civilisation qui unit et sépare les humains. L'art est guerrier, il n'est pas le simple étalage de couleur, ou de graphite sur des supports, il bataille, il bataille.
Dans Final Trilogy part one - Riots/War, je mets les œuvres en ordre de bataille, il faudra du temps pour arriver à un ensemble cohérent. Un combat, une guerre est rarement remportée par un coup d'éclat rapide, hormis Austerlitz. Verdun fut plus long, les avancées américaines et russes jusqu'à Berlin aussi. Il me faudra donc des dizaines d'œuvres, voire plusieurs centaines pour qu'une carte d'état major se dessine et organise aux yeux des spectateurs un "spectacle" cohérent, avec une grande puissance de feu et de conscience.
Dans War - Sion (comprenant douze toiles peintes à l'huile, de 29 x 29 cm), se déploie des ciels crépusculaires fendus par des missiles. Ces images formes aussi, la polysémies des images aidant, un ballet chromatique, des réseaux neuronaux, une calligraphie poétique, mais avant tout une captation de l'histoire présente qui s'étale sur tous nos écrans : la récente guerre au Moyen-Orient.
Ci-dessous : Final Trilogy part 1 - War Sion 1, 29x29 cm, huile sur toile, 2023, copyright ADAGP Ch Avella Bagur